Ce
matin, la journée avait mal commencé : épuisée par deux jours
d'insomnie et de tournage en rond psychologique, la voix de la prof d'Ancien
Français m'a semblé être un écho lointain, la fac un dédale de couloirs
parcourus d'ombres aussi floues que l'étaient mes pensées. Malgré mon
irrésistible envie de me replonger dans mon lit pour une sieste de 12h
d'affilée, j'ai finalement réussi à traverser les cours de l'après-midi, les
yeux mi-clos et le cerveau sur mode pilotage automatique, directement relié au
stylo. Arrivée au terme de cette journée, et après avoir relevé un défi que je
m'étais lancée le matin sans conviction aucune, avec la quasi-certitude que la
routine de la journée reprendrait son cours, écrasant cette pauvre lueur de
volonté, une réflexion m'est venue quant à la circularité chronique dans
laquelle se sont enferrées mes pensées depuis quelques mois.
En
effet, l'introspection prise en elle-même et pour elle-même n'a pas grande
utilité, si ce n'est celle de permettre à tout notre lyrisme plaintif de
s'épancher en de longues élégies dans lesquelles nous ressassons encore et
encore notre mal de vivre. Certes, la connaissance de nous-mêmes nous permet de
démêler les causes de nos comportements, de remonter le fil de notre conscience
jusqu'au nœud initial. Cependant, analyser ne suffit pas à enrayer des pensées
et attitudes déjà fort bien installées dans la répétitive monotonie de nos
journées ! L'introspection n'est pas une fin en soi, elle n'est que le
chemin qui nous mène à la guérison ! De fait, cerner son ennemi – en
l'occurrence la partie apathique de nous-mêmes, qui se complait dans une
routine même malsaine - est le meilleur moyen pour le détruire. Alors
oui, prenons du temps pour penser à nos angoisses et nos tourments, revenons
sur leurs causes, leurs desseins inconscients, mais surtout pensons aux moyens
de les entraver ! Il est certes difficile d'annihiler instantanément ces
pensées néfastes, qui dans leur récurrence nous rassurent, et dont la
disparition nous angoisse, mais que d'autres forcent la porte de nos esprits,
et bientôt les jugements destructeurs seront anéantis à leur tour. Nous ne
pouvons nous détacher que de ce que nous voulons de toutes nos forces
voir s'abolir, c'est pourquoi, pour réussir, nous devons substituer le
volontaire au velléitaire, le « je devrais » au « je vais
faire ». Ainsi, nous avançons encore et toujours, combattons cette
paralysante fixité, et brisons les liens qui nous empêchaient de découvrir ce
« je » en devenir, qui toujours s'altère puis renaît…