« Vous n'avez pas à vous sentir coupable d'une chose que vous n'avez pas choisie, et qui en plus vous fait souffrir. Est-ce que quelqu'un qui a la grippe se sent coupable ? » : voilà une phrase entendue récemment, qui me porte à réfléchir sur le sentiment de culpabilité, quand celui-ci ne se fonde sur aucun motif concret.
Comment se débarrasser de cette sangsue qui nous torture moralement, nous oblige à porter le poids du monde sur nos épaules, alors même que les faits dont nous nous accusons sont totalement indépendants de notre volonté ?
Car la culpabilité est vicieuse : par son caractère plus ou moins inconscient, elle se dérobe à la raison, si bien que nous nous aliénons en endossant une responsabilité injustifiée. Parfois même, ce sentiment précède l'action que nous nous apprêtons à accomplir, nous faisant pressentir notre futur échec, notre incapacité à être à la hauteur de la tâche. Il me semble que cette surenchère dans la notion de responsabilité de ses actes, bien plus qu'une conscience aigue de « l'effet papillon », est adossée à la peur fondamentale de décevoir autrui, et prend donc ses sources dans un défaut d'estime de soi. D'où une remise en question perpétuelle de notre propre comportement, face à des situations qui nous paraissent alors toujours inconfortables : pourquoi telle personne que nous aimons est-elle si affligée, si ce n'est parce que nous ne parvenons pas à la rendre heureuse ? La déception qu'exprime un proche à notre égard peut-elle être injustifiée, nous qui sommes toujours en deçà des exigences que notre propre volonté se fixe ? Ces pensées parasitent notre rapport à autrui, et perturbent encore plus le regard que nous portons sur nous-mêmes.
En effet, le sentiment de culpabilité nous dote d'un sens aigu du sacrifice, nous poussant à nous punir de notre échec en nous refusant tout plaisir, en nous imposant des contraintes qui nous accablent.
C'est pourquoi je me demande au nom de quoi, au nom de qui , nous nous infligeons une responsabilité – et la punition qui en est le corollaire - que nous ne ferions subir à personne, tant elle est démesurée et totalement illégitime ?? La prise de conscience de cette culpabilité totalement infondée commence certainement par ce questionnement fondamental, auquel la plupart des victimes du syndrome de « Culpabilite aigüe » arrivée à son stade terminal et paroxystique est incapable de répondre !